• Nous avons si longtemps fait la route ensemble, du même bord, du même rire, du même rêve, poussés par le même besoin irrépressible de tirer la queue du tigre qui dort à condition qu’il ne soit pas en cage. Mais pas pour rien. Un rire pas pour de rire, pas comme ce ricanement cynique qui dit qu’on n’y peut rien, que c’est toujours pareil. Le rire de Charlie, c’est pour changer le monde, pour étendre la surface de la cage et pour la supprimer un beau soir. Et ça passe par la transgression, par le franchissement des lignes bienséantes. « RIRE TUE » disait Choron. Nous avons fait la route ensemble, mais les chemins se sont écartés aussi, il faut le dire nous nous sommes tant aimés et tant engueulés. Fraternellement engueulés. Jusqu’à la prochaine tournée. Jusqu’à la place de la République ce soir, où des gamins escaladent la statue en criant « Liberté, Egalité, Fraternité ! » en hommage à Charlie.

    Il faut que Charlie continue. Non pas comme une marque mais comme un combat. Aujourd’ hui, il nous faut toutes nos forces, toute notre raison, pour déjouer les amalgames racistes et l’indécrottable cheptel des profiteurs d’abîme qui se pavanent d’un micro à l’autre.

    Dans la manif les yeux fermés, j’entends Cabu qui fredonne Trenet, « Que reste-t-il ….... »

    Nous sommes Charlie

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  • En réaction aux attaques effroyables du 7 janvier 2015, et pour défendre la liberté d'expression, des citoyens, des artistes, des associations, ont souhaité réagir en proposant l'idée d'un rassemblement festif, libre et artistique à Morlaix. Celui-ci ne ferait pas concurrence au rassemblement prévu ce dimanche, mais serait un espace d'expression ouvert à tous ceux qui souhaitent défendre cette liberté d'expression sous toutes ses formes.

    Il est envisagé le dimanche 18 janvier entre la MJC et la Manu. Toutes les participations d'expression citoyenne et artistique sont les bienvenues. N'hésitez pas à faire vos propositions à cette adresse : charlie.morlaix@resam.net en précisant quelle pourrait être votre contribution.


    En espérant vous lire nombreux et motivés, n'hésitez pas à diffuser l'info.
    Bien à vous,


    Au nom du mouvement des citoyens et associations, et relayant leur appel,
    le RESAM.

    Morlaix : un peu de lard pour sécher nos larmes !

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  • Dans le chaos provoqué par l'attentat monstrueux qui a coûté la vie à douze êtres humains, il n'est pas facile de se situer : Entre ceux qui expriment uniquement douleur et colère justifiées, ceux

    qui «craignent les amalgames» et ceux qui appellent à l'union nationale (et internationale) contre l'Islamisme radical sous la bannière du slogan «je suis Charlie».

    Bien sûr, le crime appelle douleur et colère, mais contre quoi exactement?

    Ce massacre ignoble est revendiqué par des individus qui se disent membres de Al Qaida. La nécessité absolue de combattre les mouvances obscurantistes de l'islamisme radical ne doit pas

    nous rendre amnésique. Ces courants qui s'imposent par la terreur affirment commettre leurs crimes au nom de l'Islam. Leur développement a été rendu possible par les interventions

    impérialistes, le démembrement des États et l'utilisation par l'Occident de ce courant contre les forces progressistes. En France, la situation sociale insupportable que vit la population issue de l'immigration post-coloniale, le racisme d'État, l'islamophobie, les discriminations, la stigmatisation ou les contrôles au faciès portent une responsabilité évidente dans l'essor de ce courant qui touche en réalité une frange marginale d'une jeunesse de toutes origines mais sans horizon.

    Bien sûr le crime risque de provoquer des amalgames. Mais ces amalgames sont-ils nouveaux?

    Charlie Hebdo, qui a longtemps représenté pour nous l'impertinence, l'insolence de mai soixante-huit, Wolinski, Cabu, l'écologie, RESF, ne s'est-t-il pas justement distingué dans l'art graphique et politique de l'amalgame depuis des années? Et que les choses soient claires, personne ici ne dit qu'il n'avait pas la liberté de le faire et il a eu toute liberté de le faire des années durant.

    Avoir la moindre complaisance ou compréhension pour des assassins de dessinateurs ou pour la mise à mort de gens en raison de leurs idées est insensé.

    Mais Charlie Hebdo a mené une bataille politique. Et occulter et faire oublier dans quel contexte il publiait ses caricatures faisait partie de sa bataille politique.

    Peut-on imaginer des caricatures émanant de journaux progressistes critiquant la religion juive pendant les années trente au moment de la montée de l'antisémitisme et de la persécution des juifs?

    Et nous ne parlons pas ici de caricatures antisémites de l'époque mais de caricatures critiquant la religion juive.

    Comment la critique des religions pourrait-elle faire abstraction du rapport dominant/dominé ?

    Critiquer les religions cela se fait aussi dans un contexte, dans un moment politique qui n'est aucunement neutre à l'égard des musulmans. Les actes de Charlie Hebdo, et les caricatures et les

    articles sont des actes et ont participé au développement

    de l'islamophobie en France.

    Développement du mépris et du racisme à l'encontre de tous les musulmans, des lois chargées de protéger «la laïcité à la française» contre eux, des mosquées attaquées, des agressions physiques contre des gens "d'apparence musulmane". Leur désignation comme boucs émissaires de la crise économique et sociale, qu'ils subissent aussi et souvent en première ligne, à l'aide des « amalgames » est en marche depuis des années.

    Des ghettos et des discriminations, il n'en est pas question aujourd'hui, l'«union nationale» peut se faire avec le sang de tous ces morts, contre les musulmans, des mosquées brûlent déjà (encore), le terrain a été préparé de longue date.

    Le "suicide français" est en marche annonçait le mois dernier un

    autre Charlot.

    "L'Union Nationale" et "l'Union Sacrée" que l'émotion autour du massacre qui vient d'être commis essaie de nous imposer, manipulent les sentiments d'horreur et de révolte légitimes au service d'autres significations bien plus complexes et douteuses. La liberté d'expression n'est pas menacée en France, même la plus raciste. Nous ne sommes pas dans le camp de ceux qui soutiennent le racisme d'État ou les interventions impérialistes. Nous n'acceptons pas le "choc des civilisations" et la logique "terrorisme/antiterrorisme". Nous refusons d'avance toutes les nouvelles lois "sécuritaires" et toutes les nouvelles formes de discrimination ou d'injonction à l'égard des musulmans que cette

    union nationale ne peut manquer de produire. .

    Alors aujourd'hui craindre l'amalgame nous semble plus qu'insuffisant.

    La France se dit un État de droit, les criminels doivent être arrêtés et jugés pour leurs crimes. Mais leur crime va bien au-delà, il

    vient en réalité de libérer la politique de l'amalgame, et du bouc

    émissaire. En ce sens les bourreaux comme les victimes de l'attentat étaient partie prenante de la guerre des civilisations. En ce sens, si les assassins nous font horreur, Charlie n'était pas et n'est pas pour autant notre ami et « nous ne sommes pas C

    harlie». Si notre solidarité et notre profonde compassion vont à tous les journalistes, salariés, policiers, victimes innocentes de cette tragédie et à leurs familles, l'union qu'il faut construire aujourd'hui est celle d'une France qui accepte d'être enfin celle de tous ses citoyens, musulmans inclus. La bataille contre le terrorisme passera par la bataille pour l'égalité, la justice, la

    reconnaissance de la France d'aujourd'hui dans toute sa diversité source d'immense richesse. Pour qu'au bout de cette nuit, le jour se lève, nous devons être aujourd'hui des musulmans.

    Bureau national de l'UJFP

    le 9 janvier 2015

    Nous apprenons à l'instant la prise d'otage d'un supermarché casher de la Porte de Vincennes, à Paris, qui semble liée à une attaque de plus grande envergure. Plus que jamais notre travail à l'UJFP sera de construire du «commun» autour des valeurs universelles que nous venons d'énoncer.

    Comme juifs, nous serons toujours du côté du dominé, du racisé, du discriminé, qu'il soit musulman, Rrom, juif...

    Union Juive Française pour la Paix (UJFP)

    Site web:

    www.ujfp.org

    Être ou ne pas être Charlie – là n'est pas la question

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  • A l’heure où l’union nationale fait le plein chez les politicards, du Front de Gauche au Front National et où l’on peut sentir que le "cordon sanitaire républicain" se dissout bien dans la guerre aux musulmanEs (pardon, au terrorisme), il y en a bien quelques-uns qui ont compris que c’était le bon moment pour eux.

    Dans la région :

    • à Villefranche-sur-Saône, une bombe artisanale a soufflé un kebab qui était lié à la mosquée du coin, la préfecture évoque une "piste criminelle" ;
    • Un lycéen de 17 ans, d’origine maghrébine, a déposé plainte ce jeudi après-midi au commissariat de Bourgoin-Jallieu pour violences aggravées. L’agression s’est déroulée en marge de la minute de recueillement observée ce matin au lycée de l’Oiselet à Bourgoin-Jallieu, lors de l’hommage aux victimes de Charlie Hebdo. source : le Dauphiné.com
    • Ce jeudi soir, les identitaires s’étaient donnés rendez-vous à 20h place des Jacobins dans le 2e arrondissement de Lyon pour réagir à leur manière à l’attentat à Charlie Hebdo. Près de 250 personnes ont fustigé "l’islamisation de la France et de l’Europe" à l’aide de banderoles et de slogans, demandant la "démission de François Hollande et le retour de Charles Martel". source : MLyon

    Et un peu partout en France :

    • au Mans, trois ou quatre (les versions journaleuses divergent) grenades à plâtre (des grenades d’entrainement des militaires) jetées sur la mosquée des Sablons + une balle qui a perforé une porte ;
    • à Port-La-Nouvelle, dans l’Aude (même article du Monde), c’est au pistolet à grenaille que ça a tiré sur une petite salle de prière musulmane discrète ;
    • à Poitiers, c’est un tag "mort aux arabes" qui est venu redécorer la mosquée ;
    • à Caromb (Vaucluse), une bagnole "appartenant à des propriétaires de confession musulmane a également été criblée de balles" d’après Zaman
    • à Paris, c’est un Coran qui a été déchiré devant tout le monde place de la République lors du rassemblement mercredi soir.

    MaJ :

    • Vandalisme raciste à la mosquée de Bayonne. A la bombe de peinture jaune, ils ont tracé le mot "charliberté" sur le portail qui ferme le site de la mosquée. Sur une poubelle et un mur voisin, d’autres écrits, racistes : "assassins" et "sales arabes".
    • Une tête de porc et des viscères ont été découverts, accrochés à la porte d’une salle de prière musulmane, vendredi matin à Corte (Haute-Corse)

    MaJ2 :

    • A Bischwiller (Haut-Rhin), ce vendredi matin, des ouvriers travaillant sur le chantier d’une mosquée ont découvert l’inscription « Ich bin Charlie » (« Je suis Charlie »)
    • A Vendôme (Loir-et-Cher), deux impacts de balle ont été trouvés sur les portes de la mosquée
    • Quatre coups de feu ont été tirés dans la nuit de jeudi à vendredi sur la façade d’une mosquée de Saint-Juéry, une ville de 7 100 habitants près d’Albi (Tarn).
    • Des inscriptions contre l’islam ont été taguées sur les murs de mosquées en construction à Liévin et Béthune (Nord).

    MaJ3 :

    • Digne-les-Bains : un lieu de culte musulman mitraillé au cours de la nuit de vendredi à samedi
    • En Corse-du-Sud, c’est le lieu de culte musulman de Baleone à Sarrola-Carcopino, l’un des plus grands de Corse et siège du Conseil régional du culte musulman(CRCM), qui a été visé par des tags à caractère raciste pendant cette même nuit. Plusieurs inscriptions "Arabi Fora" (les arabes dehors, ndrl) ont été retrouvées sur les murs de la salle de prière ainsi qu’une croix gamées sur le portail.
    • Une carcasse de sanglier a été découverte samedi devant une salle de prière musulmane du village de Ghisonaccia (Haute-Corse). La découverte a été faite à 5h30 samedi par des fidèles qui se rendaient à la salle de prière de cette ville sur la côte Est de l’île. Une carcasse de sanglier avait été déposée devant la porte d’entrée. Aucune inscription ou tract n’a été découvert sur place
    Vague d’actes racistes et islamophobes dans la région (Lyon) et partout en France

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  • Dimanche, j'irai pas.
    Autant les rassemblements "spontanés" de mercredi et jeudi m'ont réconforté par le côté grégaire qui permet de faire face, autant dimanche, le plus petit commun dénominateur de la République qui devrait me faire marcher avec celles et ceux à qui je m'opposais, je m'oppose et je m'opposerai ne m'y fera pas adhérer.
    Je ne peux pas aller avec celles et ceux :
    Qui veulent une République raciste, homophobe, misogyne
    Qui pensent "qu'après tout, la peine de mort…"
    Qui expulsent des familles qui ne cherchent que la liberté et la sécurité
    Qui pensent qu'il y a des nuisibles qui profitent de l'Etat
    Qui pensent que "l'héritage catholique " de la France doit être l'étalon de la machine à intégrer,
    Qui pensent que le profit individuel est supérieur à l'essor commun,
    Qui pensent que le divertissement suffit à la culture,
    Qui pensent que la sécurité est supérieure à l'éducation,
    Qui pensent que les musulmans doivent s'excuser, alors que dans la République il n'y pas de communautés,
    Qui pensent que les religions peuvent intervenir dans l'espace public,
    Qui, Jacobins, me prennent pour un traître à cause des mes richesses culturelles…
    Je porte une part de responsabilité individuelle et collective comme enseignant,  citoyen qui n'a pas assez su débattre, confronter des idées, demander des comptes à ses élus…
    Je n'arrive pas à oublier combien nous étions peu nombreux lors des rassemblements suite à l'assassinat de Clément Méric, tué pour ses idées par des fachos…. Bleu-Blanc-Rouge ceux-là.
    Alors dimanche après-midi, je préparerai ma classe, et si je suis assez bon, j'espère que je sèmerai quelques graines et que j'irriguerai quelques bourgeons chez les citoyens de demain qui feront vivre une République accueillante et émancipante.

    Lettre d'un professeur : dimanche, j'irai pas !

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  • A l’extrême gauche, on rejette toute idée d’unité nationale suite à l’attentat qui a causé la mort de 12 personnes, mercredi 7 janvier, à Charlie Hebdo. Pour le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) comme pour Lutte ouvrière (LO), hors de question d’aller manifester dimanche aux côtés du PS, de l’UMP, et de tous les autres partis ayant appelé à exprimer leur soutien à l’hebdomadaire. « Se retrouver derrière François Hollande et Nicolas Sarkozy, être avec ceux qui font la danse du ventre au Front national, c’est au-dessus de nos forces. Je ne peux pas mélanger ma tristesse avec n’importe qui », explique au Monde Olivier Besancenot, ancien porte-parole du NPA.

    L’ex-candidat à la présidentielle a participé aux premiers rassemblements parisiens suite à l’attaque contre Charlie Hebdo. « C’était des manifestations humanistes », dit-il. Mais, selon lui, « nous assistons depuis hier à une instrumentalisation politique. » Il précise toutefois : « Nous ne menons pas campagne contre la manifestation, des tas de gens bien iront de façon individuelle. »

    Ras l’front

    De son côté, Lutte ouvrière a publié jeudi un communiqué pour préciser que le parti ne participerait pas à des « manifestations visant à faire prévaloir une unité nationale dans laquelle pourront se retrouver différentes forces politiques, du Parti socialiste à la droite et au Front national ». Pour LO, en faisant prévaloir l’unité nationale, François Hollande cherche « à restaurer dans l’opinion un crédit qu’il a largement perdu de par toute sa politique ».

    Proche des dessinateurs Charb et Tignous, tués dans l’attaque, qui appartenaient comme lui dans les années 90 au collectif Ras l’front, un mouvement de lutte contre l’extrême droite, M. Besancenot se désole par ailleurs du débat sur la présence du Front national à la manifestation de dimanche. « Se poser la question de la présence du FN est le signe de la régression dans la lutte contre l’extrême droite, juge-t-il. La question qui se pose maintenant, c’est comment on continue le combat contre le racisme sur le long terme. Il ne faudrait pas que l’on aille vers des manifestations islamophobes comme en Allemagne. »

    • Olivier Faye
    « Charlie Hebdo » : Olivier Besancenot rejette l’unité nationale

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  • Une sensation circule depuis l’attentat perpétré contre la rédaction de Charlie Hebdo : nous sommes en train de vivre un « 11 septembre français ». Si on laisse de côté la question du volume (environ trois mille morts d’un côté, une douzaine de l’autre), le parallélisme entre les deux événements saute en effet aux yeux. Dans les deux cas, les attentats ont été perpétrés par des personnes se réclamant de l’Islam. Ils ciblent par ailleurs des personnes civiles et des symboles de la modernité occidentale (la presse ici, le capitalisme là-bas). Enfin, ils mettent en œuvre une stratégie « terroriste » au sens où il s’agit de provoquer une émotion de peur dans le pays touché. Cette idée selon laquelle nous aurions affaire à un « 11 septembre français » a donc fleuri dans les rédactions. Elle conduit les commentateurs à s’interroger sur les leçons à tirer du 11 septembre américain et, plus généralement, à l’attitude à adopter face à cette « menace ».

    A ce propos, deux interprétations semblent structurer le débat public. La première, outrancièrement raciste, affirme que l’Islam a déclaré la guerre à l’Occident et que ce dernier est en droit de se défendre. E. Zemmour, M. Houellebecq et d’autres islamophobes vont certainement s’engouffrer dans la brèche dans les prochains jours. Le corollaire de cette vision du monde est la peur ou la haine de l’Islam, peur et haine que les personnes susmentionnées ne récusent pas. La seconde interprétation invite au contraire à ne pas faire d’amalgame entre Islam et terrorisme et à ne faire la guerre qu’à ce dernier. Cette deuxième approche, dominante dans les discours officiels et les éditoriaux de la presse « mainstream », est plus nuancée que la première dans la mesure où elle dénonce la grossièreté de l’opération consistant à assimiler un milliards d’individus aux actes d’une poignée. Elle se présente par ailleurs comme « humaniste » au sens où elle condamne les idéologies haineuses et invite à se recueillir, pacifiquement, en solidarité avec les victimes des attentats.

    Bien que différentes en première analyse, ces deux interprétations présentent au moins un point commun : leur dimension très émotionnelle. En effet, elles ne se fondent pas seulement sur des raisonnements articulés mais également sur une constellation (différente) de sentiments et d’affects. D’un côté, les islamophobes grossiers sont animés par des émotions négatives : peur et haine de l’autre, instincts revanchards, etc. D’un autre côté, les « humanistes » semblent traversés, d’abord et avant tout, par des émotions positives : compassion et sympathie avec les victimes, attachement affectif à des « grandeurs » positives (la liberté de la presse, la démocratie libérale, la république, etc.). La dimension émotionnelle de ces deux cadres d’interprétation se donne à voir dans l’espace public quand un groupe de personne brûle passionnellement un Coran et quand d’autres convergent les yeux rougis vers les places de la république pour un moment de recueillement. Ces deux types de scènes ont marqué l’imaginaire américain après le 11 septembre. Internet et les médias français nous passent en boucle leur équivalent français depuis le drame du 7 janvier.

    Le caractère public et collectif de ces réactions émotionnelles nous rappelle que les émotions sont tout sauf des réactions spontanées. En effet, ces sentiments qui nous semblent si personnels, si intimes, si « psychologiques » sont en réalité médiatisés par des cadres interprétatifs qui les génèrent, les régulent et leur donnent un sens. Derrière les émotions se cachent des discours, des perspectives et des partis pris moraux et politique dont il importe de comprendre la nature pour bien mesurer leurs effets. Or quelle leçon pouvons-nous tirer de cette observation très générale sur le caractère socialement construit des émotions et de ce qu’on pourrait appeler le « précédent américain » ?

    La philosophe J. Butler s’est intéressée aux réactions émotionnelles aux attentats du 11 septembre aux Etats-Unis. Elle a relevé que ces réactions se sont articulées selon les deux dimensions évoquées plus haut : la dimension négative génératrice de haine, de peur et de désir de revanche et la dimension positive invitant à la compassion et à l’indignation morale face à l’horreur. J. Butler s’est principalement intéressée à la seconde car elle n’a pas, en apparence, le caractère belligène et grossier de la première. Ses conclusions intéresseront peut-être celles et ceux qui s’inscrivent dans le cadre humaniste, affirment « être Charlie » et veulent réfléchir au sens de leurs gestes politiques.

    La première observation de J. Butler porte sur le caractère extraordinairement sélectif de ces sentiments de compassion. Elle relève que le discours humaniste a organisé la commémoration des 2 992 victimes des attentats du 11 Septembre sans trouver de mots ni d’affect pour les victimes, incomparablement plus nombreuses, de la guerre américaine contre le terrorisme. Sans nier avoir elle-même participé « spontanément » à ces scènes de commémoration, J. Butler pose la question suivante : « Comment se fait-il qu'on ne nous donne pas les noms des morts de cette guerre, y compris ceux que les USA ont tués, ceux dont on n'aura jamais une image, un nom, une histoire, jamais le moindre fragment de témoignage sur leur vie, quelque chose à voir, à toucher, à savoir? ».

    Cette question rhétorique lui permet de pointer du doigt le fait que des mécanismes de pouvoir puissants se camouflent derrière ces scènes apparemment anodines et (littéralement) sympathiques de compassion avec les victimes de la violence terroriste. Ces mécanismes de pouvoir se donnent à voir dans ce qu’on pourrait appeler le paradoxe du discours moderne et humaniste. Alors que ce discours accorde a priori une valeur égale à toutes les vies, il organise en réalité la hiérarchisation des souffrances et l’indifférence de fait (ou l’indignation purement passagère) par rapport à certaines morts : les morts de la « forteresse Européenne » (19 144 depuis 1988 d’après l’ONG Fortress Europe) et les enfants de Gaza - pour prendre deux exemples étudiés par Butler – ou encore les 37 personnes tuées dans un attentat au Yemen le jour même du drame de Charlie Hebdo, pour prendre un exemple plus récent.

    Le corolaire pratique de cette observation est que ces cérémonies de commémoration ne sont pas triviales. Derrière leur paravent de neutralité positive, elles sont des actes symboliques performatifs. Ces cérémonies nous enseignent quelles vies il convient de pleurer mais aussi et surtout quelles vies demeureront exclues de cette économie moderne et humaniste de la compassion.

    Appliquée à l’actualité française, l’étude de J. Butler apporte un éclairage sur la réaction officielle et dominante - c’est-à-dire « humaniste » et « compatissante » - au drame de la rédaction de Charlie Hebdo. Cette analyse invite à se décentrer et à s’interroger sur les effets de ces discours et gestes de compassion. Or il n’est pas certain que les effets mis en avant par les partisans de ce discours soient les plus importants. On nous explique que ces discours de sympathie et ces gestes de compassion peuvent aider les familles de ce drame à accomplir leur deuil. Mais ces familles (et les lecteurs de Charlie Hebdo qui ont noué des liens d’attachement à ces victimes) ne préféreront ils pas faire ce travail dans l’intimité ? On nous dit ensuite que ces discours et ces gestes sont une manière de réitérer le principe de la liberté d’expression. Mais qui pense réellement que ce droit fondamental soit aujourd’hui menacé en France, notamment quand celui-ci consiste à caricaturer la population musulmane, laquelle est - et restera vraisemblablement dans les moments à venir - fréquemment moquée, caricaturée et stigmatisée ?

    Le travail de J. Butler nous enseigne que ces discours et ces gestes produisent plus certainement des effets belligènes. En effet, on aurait tort de penser que les guerres et la violence ne prennent racine que dans les émotions négatives. Contrairement à une idée fort répandue, la haine du boche et du « Franzmann » n’a pas été le premier moteur de la Première guerre mondiale. Cette guerre a d’abord pris racine dans les sentiments les plus positifs qui soient : la compassion pour les victimes nationales des guerres passées, l’attachement à la communauté nationale ou encore l’amour de grandeurs aussi universalistes que la « civilisation » en France et la « Kultur » en Allemagne.

    On a le droit de penser que la guerre contre le terrorisme islamiste est une guerre légitime. Mais il importe d’être conscient d’une réalité statistique. En trente ans, le terrorisme islamiste a fait environ 3500 victimes occidentales, soit, en moyenne, un peu moins de 120 chaque année. Ces 120 morts annuels sont 120 catastrophes personnelles et familiales qui méritent reconnaissance. Ce nombre est toutefois bien inférieur à au moins deux autres : 9 855 (le nombre de morts par arme à feux aux États-Unis en 2012) et 148 (le nombre de femmes tuées par leur conjoint en France en 2012). Cette nécro-économie (E. Weizman) est certainement trop froide. Elle nous enseigne cependant que nos attitudes politiques sont embuées par notre sensibilité différenciée par rapport à la violence. En effet, personne n’aurait l’idée d’envoyer des bombes de 250 kg sur les maisons des auteurs d’homicide aux États-Unis. De même, aucun chef de gouvernement ne penserait à décréter l’Etat d’exception après avoir pris connaissance du nombre de meurtre sexiste et intra-familial en France. Pourquoi cet unanimisme, dans la presse de ce matin, au sujet de la nécessité de ne pas baisser les pouces dans le cadre de la guerre (militaire et non métaphorique) au terrorisme islamiste ?

    Cette économie sélective de la compassion produit un deuxième type d’effet en ce qui concerne la perception de la violence d’État occidental. Les discours communautaristes ou racistes ont ceci de particulier qu’ils mettent bruyamment en scène la violence qu’ils déploient. À l’inverse, le discours moderne et humaniste est aveugle par rapport à sa propre violence. Qui a une idée, même approximative, du nombre de morts générés par la guerre américaine en Afghanistan en 2001, par celle des États-Unis et du Royaume-Uni en Irak en 2003 ou encore par l’intervention de la France au Mali en 2013 ? L’une ou l’autre de ces guerres était peut-être légitime. Mais le fait que personne ne soit capable de donner une estimation du nombre de morts qu’elles ont généré doit nous interroger. Dans ces moments où nous sommes submergés par les émotions, il peut être intéressant de penser à tous ces précédents et à ces morts, à venir, que nous n’allons pas pleurer.

    Par Mathias Delori, Chercheur CNRS au Centre Emile Durkheim de Sciences Po Bordeaux

    Ces morts que nous n’allons pas pleurer - Point de vue

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  • De la barbarie et de ses conséquences

    Au nom de l'union nationale François Hollande reçoit aujourd'hui la "bête immonde" banalisant les discours racistes du F'Haine ... et les leurs !

    Qui va participer à cette mascarade ?


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  • En souvenir de ces moments passés ensemble ! Nous ne t'oublierons pas

    En souvenir de ces moments passés ensemble ! Nous ne t'oublierons pas

    En souvenir


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  • MANIFESTATION CE SOIR 18 HEURES

    PLACE DE LA MAIRIE - MORLAIX

     

    Communiqué du NPA

     

    Une folie barbare et réactionnaire

     

    L’attaque du siège du journal Charlie Hebdo provoque l'indignation et la colère devant une telle violence aveugle et meurtrière contre des journalistes, des salariés. Elle vise à semer la terreur, contre la liberté d'expression, la liberté de la presse au nom de préjugés réactionnaires et obscurantistes.

    Nous avons souvent eu l’occasion de nous engager, de débattre, voire de polémiquer avec les dessinateurs et journalistes de Charlie Hebdo, et avec qui nous avons eu des combats communs.

    Le NPA adresse sa solidarité aux proches et familles des victimes, aux journalistes, aux salariés de Charlie Hebdo.

    Mais nous ne serons d'aucune union nationale avec les apprentis sorciers qui jouent avec le racisme, attisent les haines contre les musulmans, les étrangers, ou se servent de cette affaire pour mettre en place de nouvelles lois liberticides. Ils portent une lourde responsabilité dans le climat xénophobe et délétère que nous connaissons aujourd’hui. 

    Les uns et les autres sont des ennemis de la démocratie, de la liberté, des ennemis des travailleurs, des classes populaires, les ennemis d'un monde de solidarité.

    Montreuil, le 7 janvier 2015

    Le NPA appelle à manifester sa solidarité avec Charlie Hebdo à 17h Place de la République.

    Les barbares ! hommage à charlie hebdo
     A mes amis...

    A mes amis...


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  • Voici un texte publié par Charb, directeur de la rédaction de Charlie Hebdo tué ce matin. Il l'avait publié en octobre 2012. Il s'intitule "Rire, bordel de Dieu" :

    "Peins un Mahomet glorieux, tu meurs.
    Dessine un Mahomet rigolo, tu meurs.
    Gribouille un Mahomet ignoble, tu meurs.
    Réalise un film de merde sur Mahomet, tu meurs.
    Tu résistes à la terreur religieuse, tu meurs.
    Tu lèches le cul aux intégristes, tu meurs.
    Prends un obscurantiste pour un abruti, tu meurs.
    Essaie de débattre avec un obscurantiste, tu meurs.
    Il n’y a rien à négocier avec les fascistes.
    La liberté de nous marrer sans aucune retenue, la loi nous la donnait déjà, la violence systématique des extrémistes nous la donne aussi.
    Merci, bande de cons."
    Charb

    Rire, bordel de Dieu

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  • Posté le 2 janvier 2015 par Laurent Ott

    Un bébé est mort le jour de ce Noël dernier, dans un bidonville du Nord Essonne. Ses parents l’ont retrouvé froid au matin. Ils ont été en proie à un désespoir incommensurable et le bidonville entier a été frappé de stupeur.

    C’est comme si une nuit éternelle s’était abattue sur ces familles ; ce qui pourrait nous paraître étonnant, à nous les acteurs associatifs et sociaux engagés sur ce terrain, c’est le fatalisme avec lequel tout cela a été accueilli. Au milieu d’un malheur aussi grand, de tant de détresse, il n’y avait nulle colère.

    Pas l’ombre d’une révolte, pas l’ombre d’une dénonciation ; pas l’ombre d’une plainte. Et pourtant… Qui pourrait croire, qui oserait dire que cette mort d’enfant n’avait aucun rapport avec les conditions de vie, qui étaient les siennes et celles de sa famille et de son groupe social ?

    A l’inverse, les parents eux mêmes, et les familles alentour se sont mis à se raconter des histoires, de légendes. Pour tous, la mort de cet enfant avait besoin d’une explication sans concession. Ils l’ont trouvée dans une obscure légende de fantôme de la nuit, preneur d’enfants.

    Au fond, la faute était la leur : les parents n’avaient pas accompli un quelconque rituel censé conjurer les mauvais esprits.

    Ainsi, ils étaient responsables de leur malheur ; pas la misère, pas l’insécurité sociale qui leur refuse CMU ou allocations ; pas même le Maire de cette petite commune qui ira jusqu’à refuser l’autorisation d’inhumer le bébé sur son territoire. Non, tout cela était de leur faute, en raison de légendes cruelles.

    D. Graeber observait dans son « Essai d’anthropologie anarchiste » que les peuples les plus pacifiques avec leur environnement et leurs voisins créaient les mythologies « , les plus dures et les plus féroces ». Il aurait pu ajouter qu’il en est de même pour tous les groupes opprimés, assujettis à une passivité inhumaine du fait des violences sociales et politiques qui pleuvent sur eux.

    Quand un régime sécuritaire atteint un tel degré de sophistication, quand il ne semble plus y avoir d’espoir dans la lutte ou la fuite, quand toute perspective de progrès devient vaine, lors il ne reste plus à l’individu, comme ou groupe, d’autre issue que de se créer des monstres.

    On leur donnera toutes sortes de noms et on les habillera des oripeaux de diverses cultures ; mais ce seront bien les mêmes ; ce sont ceux qui viennent hanter les hommes aux espoirs révolus.

    La violence qui se retourne contre soi, le cynisme, la cruauté ne sont pas seulement dangereux pour ceux qui en sont les victimes ; ils sont une menace pour l’humanité entière et pour chacun d’entre nous.
    Un jour ou l’autre, un de ces monstres parvient à la réalité et on lui donne des noms infernaux : nazisme, DAECH…

    En attendant « l’ordre règne » ; les pauvres et les malheureux sont résignés.

    On a brûlé moins de voitures le 31 janvier 2014…

    Un bébé est mort à Noël

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  • A partir du 1er janvier les conditions générales de Facebook changent. Il existe des solutions alternatives, par exemple : http://sortirdefacebook.wordpress.com/ pour ne pas (ne plus) être qu'une marchandise entre les mains de ces multinationales qui font émerger ce "nouveau" capitalisme linguistique qu'est en train de devenir le web (lire l'article de Frédérique Kaplan dans le Monde diplomatique en 2011 http://www.monde-diplomatique.fr/2011/11/KAPLAN/46925). Nous arrêterons donc au 31 décembre 2014 notre page Facebook pour ne plus cautionner ces fonctionnements et verrons ou nous pourrons être présent (Diaspora ?)Vous pourrez lire les infos, les commentaires, les points de vue (peu nombreux en ce moment) sur notre blog http://morlaixanticapitaliste.over-blog.com/ Nous reviendrons prochainement, sur cette question du Web 2.0. Bonne année de lutte

    «Vous ne pouvez pas avoir une révolution des ouvriers contre une banque, si la banque est domiciliée au Vanuatu, » Peter Thiel, membre du conseil de direction de Facebook (ils sont 3 !) et grand défenseur des paradis fiscaux

    De Facebook !

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  • Pour ne plus se tromper de cible.

    Il y a une « haine des riches en France ». C’est ce que disent les éditorialistes environ tous les six mois. Espérons qu’ils aient raison ! C’est tellement plus efficace que la haine de l’immigré ou la haine de « l’assisté » ! Peut-être que votre égal ou votre inférieur vous bouscule dans le métro ou vous a grillé la priorité à droite, mais c’est le riche qui détourne vos impôts, ferme vos industries et détruit peu à peu votre modèle social. Malheureusement, non content de dicter nos politiques, ils possèdent un monde médiatique qui favorise en nous le dégoût du semblable plutôt que la haine du puissant. De nombreux intermédiaires, notables et autres amoureux de l’ordre établi, soumis et admiratifs, nous incitent à les encenser. Le riche a pourtant mille fois plus de pouvoir sur l’intégralité de votre vie que n’importe quel autre pékin moyen qui peut, à la limite, vous la pourrir pendant quelques heures. Voici pourquoi il est temps de rétablir à sa juste valeur un sentiment des plus respectables : détester les riches.

     

    Pourquoi les riches posent problème ? À cause de leur tronche ? Non. À cause de leur mode de vie ? Un peu, si l’on considère ce que les 10 % les plus riches polluent en voyages intercontinentaux et en grosses cylindrées. Mais c’est peu comparé au mode de production dévastateur dont ils sont les actionnaires et au pouvoir dont ils disposent. Si Messieurs Arnault et Pinault, grands patrons du CAC 40, veulent vivre dans le luxe, grand bien leur fasse. Mais hélas, on ne peut pas en rester là. Car leur fortune, leurs privilèges ne sont rendus possibles que par la relative pauvreté de la majorité de la population, avec ou sans la crise. En outre, si leur argent leur servait uniquement à s’acheter des Jaguar, ça irait. Mais non, ça leur permet de contrôler la presse, de payer des lobbyistes, d’influencer les politiques nationales et européennes plus que n’importe quel citoyen. Ce qui leur permet en retour d’assurer leurs intérêts financiers lesquels nécessitent que nos salaires restent bas. C’est pourquoi il leur est utile de contrôler les politiques relatives à la législation du travail. Ce qui pose donc problème, c’est que les riches sont plus puissants que vous et moi, qu’ils sont plus puissants que 90 % des électeurs de ce pays et de l’Union européenne, dans la même proportion.

    Exemple de mécanisme de cette prise de pouvoir permanente : le 9 avril 2014, un rapport sur la force du lobby de la finance en Europe a été rendu public. Il a été réalisé par l’Observatoire des entreprises européennes et deux syndicats autrichiens. Intitulé « La Puissance de feu du lobby financier », il se base sur des données simples pour nous rappeler plusieurs vérités profondément dérangeantes. D’abord, l’industrie financière emploie 1 700 lobbyistes à Bruxelles, soit quatre fois plus que les fonctionnaires européens travaillant sur les questions de régulation financière. Ensuite, les rencontres entre lobbyistes de la finance et membres des institutions européennes sont sept fois plus nombreuses que celles entre ces officiels et les représentants des syndicats, ONG et associations de consommateurs. Et encore, nous précise le rapport, le décompte de ces rencontres est basé sur des données officielles qui répertorient participations à des commissions consultatives, réunions de travail et auditions diverses et variées. Pas de mention précise du nombre de restos, soirées et autres mondanités. Qu’est-ce que c’est au juste un lobbyiste ? Le principe de leur boulot est très simple : ces professionnels de la communication et de l’argumentation prennent contact avec des détenteurs du pouvoir et cherchent à les influencer en faveur du groupe privé ou public qui les a engagé. Avant le vote de telle ou telle loi, l’attribution de telle ou telle subvention, le lobbyiste se renseigne sur la composition de la commission compétente et tente d’influencer ses membres par tous les moyens possibles. Cette pratique est légale, et, à l’échelle de l’Union européenne, elle n’est encadrée que par l’inscription des cabinets de lobbying dans un registre et leur respect d’un « code de bonne conduite » : waouh ! La pratique s’est tellement institutionnalisée que tout le monde s’y est mis. Les régions françaises payent par exemple des lobbyistes à Bruxelles pour essayer d’obtenir des financements. Mais bizarrement, elles ont moins de moyens à ce niveau-là que les grandes banques.

    Si l’on en croit ce rapport, les grands groupes ont donc une influence au moins sept fois pluscrise1 importante sur la vie politique européenne que les organisations dites de la « société civile », qu’on médiatise forcément plus quand il s’agit d’inciter à sauver les bébés dauphins ou de libérer des otages, tâches tout à fait respectables mais qui n’affectent en rien le partage des richesses dans l’Union. On pourrait répliquer que ces 1 700 lobbyistes ne travaillent pas pour la même boîte. Certes, ils travaillent pour des centaines de banques, fonds de pensions, investisseurs institutionnels… Mais toutes ces entreprises, souvent en concurrence entre elles, ont en fin de course les mêmes intérêts : plus d’argent public pour les soutenir, moins de régulation qui les contraindraient à ne pas faire n’importe quoi. Le beurre, et l’argent du beurre. Elles ont aussi les mêmes dirigeants et actionnaires : les très riches. Et concrètement quel est le résultat sur votre vie ? Les banques pourront continuer à vous voler, les nuages de pollution continuer à se former à chaque fin d’hiver, pour la simple et bonne raison que toutes les décisions qui sont prises par les instances de régulation de Bruxelles ont cent fois plus à voir avec les bénéfices des très riches qu’avec votre santé ou votre emploi. Alors… On continue à maudire le voisin qui ne trie pas ses déchets ou on accuse les vrais responsables ?

    Sauf qu’en France qui préfère parler du « profiteur » d’en bas que du parasite d’en haut ? Les grands médias. Mais prenons une journée médiatique lambda d’un Français lambda. Le matin, il peut lire dans les transports en commun le gratuit de Vincent Bolloré Direct Matin. Les sondages sur la popularité de Manuel Valls qu’il y trouve sont généralement réalisés par l’institut CSA, dont le même Bolloré est actionnaire à 100 %. Il peut aussi écouter Europe 1, la radio d’Arnaud Lagardère, ou RMC, celle du champion des médias, le millionnaire Alain Weill. Il pourra acheter pour sa pause déjeuner le journal Le Monde détenu par le trio de grands banquiers Mathieu Pigasse, Pierre Bergé et Xavier Niel. Ou bien le Figaro, possédé par Serge Dassault, ou encore Libération, détenu en partie par Édouard de Rothschild. S’il est plutôt magazine, il retrouvera les mêmes propriétaires : Lagardère pour Elle ou Paris-Match, Pigasse pour Les Inrocks, le même pour Le Nouvel Observateur. La presse économique alors ? Les Échos sont sous la coupe de Bernard Arnault, petite variation. Le soir, on peut retrouver les mêmes : Alain Weill pour BFM TV, « première chaîne d’info de France », Bolloré est membre du conseil de surveillance du groupe Vivendi qui possède Canal +, le champion du BTP Bouygues quant à lui possède TF1. En une journée, un citoyen français peut donc « s’informer » par le biais de quelques groupes appartenant à quatre ou cinq hommes d’affaires.

    Pourquoi est-ce un énorme problème ? Tout comme les cabinets de lobbying, ces groupes sont concurrents au niveau économique mais convergents au niveau idéologique. Car leurs dirigeants sont tous situés du même côté de la barrière. Globalement, tous prônent la réduction des salaires et de toute forme de régulation pour leur permettre de s’affronter en toute tranquillité. Sur toutes les chaînes, le même point de vue domine. Non seulement sur le plan des mesures économiques préconisées en permanence, mais aussi sur l’image dégueulasse que ces journalistes donnent de votre voisin. Ces médias font tous porter les causes de la « décrépitude » du pays sur des comportements individuels, sur des petits groupes et jamais sur les riches. D’émissions ouvertement voyeuristes en faits divers, on nous impose (en nous faisant croire par la suite que c’était ce que « les gens veulent ») la description sordide des mœurs de nos égaux ou de nos inférieurs qui nous divertissent plus qu’elles ne nous concernent, plutôt que celle du pouvoir des riches, tellement plus emmerdante pour eux. Quand on parle d’eux, on nous offre le récit de leur parcours, plutôt que celui de leur domination, on décrit les villas et palais où ils vivent, plutôt que les usines ou les bureaux où ils exploitent.

    Comme il n’y a aucun grand patron contre qui se heurter dans le métro, aucun trader contre qui crier « connard ! » par la fenêtre de sa voiture, ce n’est qu’à la télé qu’ils nous apparaissent, ou en photo papier glacé, avec la bonne lumière, la bonne poudre sur le museau. Tandis que nous croisons nos égaux tel qu’ils vivent, sous la lueur blafarde des néons, dans le silence gênant des ascenseurs, dans la torpeur impatiente des files d’attente. Pas de décor pour eux, pas de garde républicaine, sabre au clair avec tous les flonflons. À l’inverse, grâce aux médias, les riches se présentent à nous en majesté, selon leurs propres règles et sur leurs propres chaînes. N’est-ce pas réducteur de mettre tous « les riches » dans le même sac ? Il y en a des sympas non ?

    Eh bien justement non. Les grands responsables du capitalisme agissent dans un sens qui, finalement, aboutit à la même chose. Leurs intérêts se rejoignent, quels que soient leurs styles. Là encore, journalistes et intermédiaires jouent au jeu des différences. Il y aurait d’un côté les gros patrons balourds à la Serge Dassault, ouvertement mafieux, mais que certains nous feront presque classer dans la catégorie barbouze ou « vrai mec qui en a ». Mais ouf, si élite il y a, elle est diversifiée ! On en veut pour preuve : de l’autre côté, les jeunes mecs sympas comme Matthieu Pigasse ou Xavier Niel, héritiers ou jeunes entrepreneurs (ça veut aussi dire héritier mais d’un moins gros capital). 1. Ces types sont « cools » parce qu’ils s’intéressent à l’art contemporain et préfèrent les vernissages aux courses hippiques. 2. Ces types sont « de gauche » parce que sur les questions de société, ils sont super progressistes. Par exemple, ils soutiennent le mariage gay. C’est très bien d’être de gauche sur les questions « sociétales », l’avantage c’est que ça ne coûte rien, contrairement à être de gauche tout court. Aucune conséquence sur le salaire de ses employés, aucune conséquence sur son niveau d’imposition. De gauche ? Mathieu Pigasse a conseillé Ségolène Royal, il soutient le PS. Ah… mais on me dit que le PS n’est pas de gauche. 3. Ces types ont la top classe parce qu’ils investissent dans des secteurs hypes. À l’heure du réchauffement climatique et des Droits de l’Homme, construire des avions comme Lagardère ou vendre des armes comme Dassault ce n’est pas très « éco-responsable ». Tandis que Xavier Niel, lui, fait dans l’Internet : c’est indolore et c’est joli. En plus, il se présente comme un fournisseur différent, avec des publicités marrantes et des offres alléchantes. Qu’importe si les centres de maintenance de Free et ses centrales d’appels font bosser à salaire dérisoire des employés à bas coût, ça ne se voit pas ! Au contraire, les vieux industriels n’ont pas soigné leur image. Incapables d’avoir l’air jeune et frais, ils se grillent dans de grossières machinations politiques à droite. Ils y laissent peut-être un peu de leur image auprès des bien-pensants, mais n’y laissent sinon pas une plume. Tandis que des gens comme Niel et Pigasse se contentent de financer les Think Tank du PS comme la fondation Jean-Jaurès (dont Pigasse est membre éminent). Pourquoi ? Pour leur faire pondre de rondouillettes notes sur l’innovation et la « compétitivité » et ainsi avoir l’air cool et de gauche sans ne rien devoir partager, et en amplifiant les politiques qui favorisent leurs intérêts.

    Car, à votre avis, que disent les riches de gauche comme de droite, de vous et de vos égaux ? Généralement que vous avez une fâcheuse tendance à être beaufs et racistes, mais que si on vous explique les réformes libérales, vous finirez par les comprendre. Le peuple que le riche de gauche aime, ce n’est pas le vôtre. La misère devant laquelle il s’indigne, c’est une belle misère internationale, celle des favelas (moins à l’approche de la Coupe du monde) et celle des moines tibétains (moins depuis que la Chine c’est la nouvelle terre d’opportunités). « Ouvert sur le monde », le riche de gauche est un citoyen européen et un citoyen du monde : vous, vous pouvez crever. Bref, penser que parmi les riches, il y a le choix et qu’ils ne vont pas tous dans le même sens, c’est se laisser prendre à la fable de modernisation de l’élite : celle qui opposerait des « patrons » (vilains, pas beaux et ringards) aux « entrepreneurs » (gentils, frais et technologiques).

    Qui est responsable de ce qui nous arrive ? Les politiques, les médias et les grands patrons nous disent que c’est nous. Parce que nous vivrions au-dessus de nos moyens. Parce que nous ne serions pas assez allemands, pas assez suédois, pas assez innovants, pas assez travailleurs et trop tricheurs. Si on suit cette rhétorique (et à force de répétition, elle fait son chemin dans le discours de pas mal de gens), on trouvera toujours un exemple autour de nous. Un profiteur des APL, un étudiant boursier qui a « oublié » de déclarer les revenus d’un de ses parents, un commerçant qui préfère qu’on le paye en liquide, un artisan dont le devis fait des petits. C’est sûr, ça existe. Mais c’est quoi l’impact de ces petits détournements individuels sur notre sort commun et notre existence individuelle ? Il est d’un point de vue global négligeable comparé à ce que les pratiquants de la fraude fiscale (les plus riches) coûtent à la société : entre cinq et dix fois plus que la fraude aux allocs tant décriée. Mais il n’y a pas que ça. Tandis que votre « gros con de beau-frère » n’a d’autre impact sur la vie de ce pays que celui de soupirer devant la télé ou de dire « ta gueule » à la radio quand Manuel Valls s’y exprime, n’importe quel grand patron de ce pays a pu, lui, dîner avec Manuel Valls et faire passer son analyse politique sur Manuel Valls dans des journaux lus par des centaines de milliers de personnes. La différence est donc de taille.

    Pourquoi nous échappe-t-elle trop souvent ? Peut-être parce qu’en France, la distance géographique entre classes sociales est de plus en forte : rares sont désormais les gens aux revenus moyens ou modestes qui ont des riches comme voisins. Encore plus rares sont les ouvriers qui, de retour du travail, aperçoivent encore au loin le toit de la luxueuse demeure de leur patron. À Paris, en particulier, les riches sont entre eux, à l’abri des regards. Pour leurs vacances, ils prennent l’avion ou le TGV qui traverse tout le pays en un sifflement et déverse sa clientèle fortunée dans des villes balnéaires ou des stations de ski qui ne sont que des antennes de Paris et Neuilly. Bon débarras ? Pas forcément, parce que l’effet pervers de cet éloignement, c’est que nombreux sont ceux qui préfèrent cracher sur l’assisté d’en bas, plutôt que sur l’énorme parasite d’en haut. Nos haines quotidiennes sont plus souvent dirigées vers nos égaux et nos subalternes que vers ceux qui nous dominent. Les médias en font leurs choux gras, tandis que leurs actionnaires s’en frottent les mains : entretuez-vous, votez FN, maudissez votre belle-mère, écoutez Zemmour ; pendant ce temps ils en profitent et vous méprisent royalement.

    Quand ça va mal, n’accusons donc pas le voisin, accusons le riche. Stigmatisons le parasite financier, le fraudeur banquier, le glandeur rentier et le patron qui se croit tout permis. Car ne devrait-on pas trouver complètement insupportable le fait que ces types, gros ou minces, « de gauche » ou de droite, fassent votre télé, vos journaux, lesquels vous donnent une sale image de vous-même et de vos semblables tandis qu’ils transforment en héros modernes les véritables sangsues qu’ils sont ? Qu’ils s’adressent à nos concitoyens et à nos politiques mille fois plus souvent que vous ne pourrez jamais le faire ? Qu’un rot de leur part ait plus d’impact sur la réglementation européenne qui va peser sur votre consommation, votre salaire, vos lois, que la moindre de vos lettres à « monsieur le député » ou, plus encore, de vos bulletins de vote ?

    Détester les riches, dans un pays qui est accablé par le chômage et qui subit l’omniprésence d’un parti raciste, ce n’est donc pas être aigri ou envieux. C’est l’une des voies pour permettre à la majorité de redresser la tête, de cesser de se diviser et de se détester. C’est bien plus puissant que de traiter l’électeur FN de con ou de distribuer des badges contre la méchanceté et l’intolérance. Bien plus efficace que de vouloir virer les immigrés ou faire son compost. Bien plus humain que de financer des ONG internationales pour se donner bonne conscience.

    DETESTER LES RICHES C’EST PEUT-ÊTRE, PLUS QUE JAMAIS, AIMER L’HUMANITÉ

     

    Lien avec la revue Frustation : http://www.frustrationlarevue.fr/?p=262

    Pourquoi il faut détester les riches

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  • Le trésorier de la CGT vient d’être « démissionné » pour avoir validé des dépenses coûteuses dans l'appartement de fonction et le bureau de Thierry Lepaon. Ainsi, malgré le scandale supplémentaire des 31 000 euros reçus à l’occasion de son départ de la CGT Basse-Normandie pour sa fonction nationale, ce dernier a provisoirement sauvé sa place en faisant payer le trésorier.

    Certes, à côté des 2 millions d'euros de l'appartement de Valls, les trafics des Cahuzac, Thévenoud ou les fortunes des Arnault, Lagardère, Gohsn ou autre Gattaz, Lepaon est décidément un petit joueur. Mais l'attitude de la direction de la CGT choque bien des salariés, et surtout les militants qui se sentent bafoués, floués. Ils ont raison. Car ces pratiques peu reluisantes rendent service au patronat et à toutes les forces réactionnaires qui combattent le syndicalisme, c'est-à-dire le droit pour les salariés de s'organiser pour défendre leurs intérêts collectifs.

    Il y a urgence à ce que les travailleurs, les militants, se réapproprient ce qui devrait être leur propre outil pour se défendre, organiser leurs luttes et les mobilisations contre l'offensive du gouvernement PS-MEDEF. Au lieu de laisser salir l'image du syndicalisme, que la direction de la CGT démissionne Lepaon, rompe avec le « dialogue social » et prenne enfin les initiatives indispensables pour organiser la contre-offensive du monde du travail !

    Bureaucrate : Indemnités de Lepaon. Le lampiste démissionné

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  • Sous prétexte d’en finir avec les « archaïsmes » Macron veut liquider le Code du travail, il a prévu :

    • d'autoriser encore plus facilement le travail du dimanche, ce qui permettra aux patrons de faire travailler 7 jours sur 7 ;
    • de considérer que le travail de nuit commence à minuit et non 21 heures, ce qui permettra aux patrons de moins indemniser ces horaires ;
    • de supprimer l'augmentation de salaire pour le travail de nuit pour les salariés des entreprises de moins de 20 salariés et de discuter entreprise par entreprise pour les autres ;
    • de supprimer la possibilité de recours juridique contre les « plans sociaux » ;
    • de supprimer les protections contre les licenciements personnels, où il ne sera plus tenu compte des critères de situation sociale, d'ancienneté, de compétence etc. ;
    • de remplacer l'élection des délégués des salariés dans les Conseils des prud'hommes par des nominations. Les juges professionnels auraient priorité sur les juges prud'homaux et il n'y aura plus de vrai procès, puisqu’un barème d'indemnités forfaitaires permettra aux patrons de chiffrer à l'avance ce que leur coûtera des licenciements abusifs ;
    • de supprimer le « délit d'entrave » qui pouvait sanctionner les patrons qui font entrave à l'activité syndicale ;
    • de supprimer la possibilité de réintégration des salariés qui auront été licenciés sans « cause réelle et sérieuse » ou « abusive » ;
    • de réviser l'Inspection du travail de manière à ce qu'elle puisse moins sanctionner les patrons, et supprimer la menace de prison pour ceux d'entre eux qui s'en prennent aux syndicat.

     

    Pour s’opposer à la régression sociale sans précédent promise par la loi Macron, il y a urgence à prendre nos affaires en main, à redonner de la vigueur à nos luttes et à nos mobilisations, seul moyen de préparer les conditions d’un mouvement d’ensemble qui fasse enfin reculer patronat et gouvernement.

    Pour un plan de lutte contre la loi Macron !

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  • Pour Anne-Marie


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  • "Homos, la haine" le 09 décembre 2014 22h 40 sur France 2

    Pour en savoir écouter l'émission "L'instant M" sur France Inter de ce matin (9/12/2014) : http://www.franceinter.fr/player/reecouter?play=1016195

    L’homophobie est un mal qui nous ronge. C’est une violence pour toute la société car elle empêche des rapports libres et égaux entre tous les individus, qu’ils soient homosexuels ou hétérosexuels. Pour réagir à cet état de fait, Éric Guéret et Philippe Besson réunissent dans ce documentaire des paroles d’hommes et de femmes qui souffrent d’avoir subi des actes homophobes violents. Sauvagement agressés par des anonymes, rejetés par leur famille, harcelés au travail, chacun revient sur ce qu’il a vécu.
    En mettant en scène ces neuf témoignages, le documentaire Homos, la haine rend compte des effets dévastateurs de l’homophobie. Qu’elle soit diffuse ou qu’elle donne lieu à des passages à l’acte d’une violence inouïe, l’homophobie a les mêmes racines, bien ancrées au plus profond de l’inconscient collectif, qu’il faut absolument parvenir à extirper.

    La case Infrarouge invite les téléspectateurs à réagir et commenter les documentaires en direct sur twitter via le hashtag #infrarouge

    lien avec l'émission : http://www.france2.fr/emissions/infrarouge/diffusions/09-12-2014_283401

    Contre l'homophobie ! Ce soir sur France 2

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